Empreinte carbone : halte à la désinformation

Les conséquences écologiques des grands événements sportifs jaugées à l'aune... de la consommation de saucisses !

La dénonciation de l'impact de l'élevage sur l'environnement utilise des arguments mensongers. En arrière-plan, les émetteurs de ces messages simplistes mais efficaces, destinés à être relayés par des militants sincères, sont plus motivés par l'appât du gain que par la cause climatique ou le bien-être animal...

Les grands événements sportifs, tels la coupe du monde de football, offrent une fenêtre de tir de choix pour les stratèges en communication. Ils focalisent en effet l'attention d'une large partie de la population, attentive à des contenus en rapport plus ou moins direct avec le sujet principal. L'étalement du calendrier des rencontres sur tout un mois ouvre pour les communicants habiles un certain espace "vacant" dans les médias.

3 tonnes de CO2 : c'est l'impact environnemental estimé de la consommation de saucisses par les spectateurs directs d'un match de coupe du monde de football...Ainsi, à la fin du mois de juin 2018, plusieurs médias nationaux (RTL, France-info, Ouest-Francer_1 ...) se sont "alarmés" du bilan carbone de la coupe du Monde de football, en se focalisant sur... la consommation de saucisses pendant les matchs !!! Le choix d'un tel angle d'information peut surprendre et même heurter le bon-sens : pourquoi ne pas s'intéresser par exemple au trafic aérien ou routier supplémentaire généré, ou encore à la consommation électrique des millions d'écrans télés allumés pour l'occasion ?  Et ces saucisses n'auraient-elles pas été de toute manière consommées à domicile ? En arrière-plan, on trouve un plan de communication au timing bien huilé, appuyé par une bonne connaissance des rouages de l'industrie de l'information. Le 14 juin 2018, soit la veille du coup d'envoi de la compétition, un communiqué de presse intitulé "Les émissions de CO2 dues à la consommation de saucisse pendant la coupe du monde 2018" a été largement diffusé auprès des médias, par une certaine abcd agency.

Trois tonnes de CO2 par match, sans blague ?

Le communiqué, très professionnel, respecte tous les codes de l'exercice, tant sur le fond que dans la forme : message bien rédigé, emploi de termes scientifiques choisis, tableaux de chiffres, référence à la FAO, etc... D'emblée il quantifie précisément « un match de football durant la Coupe du Monde 2018 devrait produire 3 056.6 kg de CO2 en raison de la consommation d'environ 24 650 saucisses », avant de compléter par « il faudrait 1 934 hectares de forêt amazonienne par an pour absorber la quantité de CO2 produite par la consommation de saucisses dans les plus grands stades FIFA du monde entier ». Ce message à la fois précis et alarmiste, largement relayé par des médias versés dans la facilité, ne résiste cependant pas à une lecture critique, car l'estimation du nombre de saucisses consommées comme du nombre de spectateurs assistant à telle ou telle rencontre est complètement arbitraire (basée sur un ratio observé lors d'un seul match, à Düsseldorf). Elle ne tient par exemple pas compte de l'origine ethnique des spectateurs, et applique donc aux supporters venus du monde entier les habitudes alimentaires du supporter allemand moyen... Mais le seul fait de les multiplier par des données de la FAO - organisation des Nations unies - confère instantanément aux résultats un vernis de crédibilité, d'autant plus que le sujet est grave. Une fois de plus, sous couvert d'apporter une information "scientifique", qui réponde aux préoccupations environnementales légitimes de tout citoyen, on assiste en creux à la diffusion d'un message stigmatisant l'élevage porcin pour son empreinte carbone élevée, tout en culpabilisant par ricochet le consommateur de saucisses.

A qui profite l'intox ?

Inutile de chercher très loin, puisque dès la première ligne du communiqué apparaît le commanditaire de la fameuse "étude". Il s'agit de l'entreprise nu3, qui se présente comme « distributeur en ligne basé à Berlin spécialisé dans la nourriture fonctionnelle saine et pionnier du développement d’aliments innovants à haute teneur en nutriment ». Une visite du site webr_2 de cette entreprise permet de vite comprendre que ni la déforestation de l'Amazonie, ni la santé des spectateurs de la coupe du monde de football ne préoccupent vraiment ses dirigeants, qui ciblent tout azimut végans, végétaliens, adeptes du culturisme ou des régimes minceurs, pour commercialiser à prix d'or des poudres protéinées tirées du lactosérum (le whey), des aphrodisiaques naturels ou encore des nouilles de konjac - un coupe-faim à l'intérêt diététique controversé.Les nouilles shirataki sont élaborées à partir d'une fibre végétale visqueuse, tirée d'une plante asiatique, le konjac.

Au sujet de ce dernier "aliment innovant", Marie-Joëlle Poirier, nutritionniste, ne mâche pas ses mots « c'est un produit qui est vraiment très peu calorique, avec 15 calories par portion de 113 g, mais ces pâtes contiennent également peu de fibres, deux fois moins que les pâtes de blé entier. Quant aux protéines, elles en fournissent moins de 1 g par portion, contre au moins 5 g dans une portion de pâtes de blé blanches. Ces spaghettis au tofu ne vont donc jamais soutenir comme de vraies pâtes. Ça ne contient à peu près rien, c'est un peu comme manger de l'air. » Si on combine à cela la livraison à domicile depuis l'Allemagne de préparations élaborées avec des ingrédients venus des quatre coins du monde, tels que les graines de chia, le konnyaku, l’acérola, le baobab, le maca, on perd un peu de vue l'intérêt environnemental de se passer de saucisses pendant les matchs de coupe du monde, non ?

Le business lucratif du simili-carné

Comme le relève d'ailleurs Benoît Bréville, rédacteur en chef adjoint du Monde diplomatique, dans un article de juillet 2018r_3 au sujet des simili-carnés (substituts végétaux de steaks, jambon, saucisses, etc. ) « Ces mixtures [...] n'ont pas grand chose de naturel : pour préparer son cordon bleu "végétal" (vendu par une grande enseigne 67% plus cher que son équivalent carné), le volailler Le Gaulois doit par exemple mélanger plus de 40 ingrédients, dont la maltodextrine (support d'arôme et agent de charge permettant d'augmenter le volume d'une denrée), le poireau et le blanc d'oeuf en poudre, la gomme de xanthane (gélifiant), la carraghénane (épaississant et stabilisant), les protéines de soja réhydratées, le citrate de sodium (conservateur régulateur d'acidité, aromatisant), etc. L'engouement végétarien peut paradoxalement générer une nourriture de plus en plus artificielle, renforçant ainsi la mainmise de l'agro-industrie sur la chaîne alimentaire. »

Rétablir la vérité

Dans le même registre, Pierre Weill, ingénieur agronome et président chez Valorex s'attaque pour sa part à un autre argument écologique souvent mis en avant par les tenants du végétarisme. Suite à sa participation à une table-ronde consacrée à la tendance végan, il réagitr_4 en rapellant que « le ratio "10 kg de protéines végétales pour faire un kilo de protéines animales" est complètement bidon, même s’il traîne sur Google depuis que Google existe. Les éleveurs parlent d’indice de consommation pour caractériser les performances de leur élevage.

L'efficience protéique de l'élevage porcin est bien meilleure que ne le prétendent les fake-news relayées sur internet.

C’est quoi cet indice ? C’est la quantité d’aliment que doit ingérer un animal pour faire un kilo de croissance. Pour les cochons, cet indice se situe entre 2 et 3 kilos d’aliments ingérés pour faire 1 kilo de cochon. Chaque kilo de ration cochonesque dose 150 grammes de protéines. Il faut donc 400 grammes de protéines végétales pour fabriquer 1 kg de cochon (qui apporte 300 grammes de protéines). Sauf erreur de ma part, 400 /300 ça ne fait pas 10 pour 1 ? Et si je compte la fraction de protéines consommable par l’homme dans les rations de cochons nourris aussi de sous-produits de nos repas, on arrive à 1 pour 1. »

Références : 
1) Les saucisses pèsent sur le bilan carbone de la Coupe du monde

 2) nu3 : nutrition sportive, minceur et compléments
3) Le temps des charcutiers végétariens
4) Véganisme en restauration collective

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